Canal de Caledonie

Quand nous arrivons à Oban, après une belle traversée du Firth of Lorn et une remontée par le Sound of Kerrara, une mauvaise nouvelle nous attend. Christine ne vient pas nous rejoindre, elle a attrapé la Covid. Cette cochonnerie de virus n’a pas encore fini de nous embêter !

Depuis maintenant deux semaines nous rencontrons plus de bateaux que pendant le premier mois. La vie nautique est active en Ecosse : de nombreux Anglais, Ecossais, Français naviguent dans ces eaux. On croise également quelques Allemands, Norvégiens, Danois, Suédois, Néerlandais sur toutes sortes de bateaux, du modeste voilier de 9 mètres au yacht ultra moderne de 15 mètres. Les marinas sont petites mais essentiellement dédiées aux visiteurs, ce qui fait qu’en général on trouve de la place pour s’amarrer. Les possibilités ne manquent pas : sur bouée, au ponton, et il y a toujours un endroit où mouiller.

Nous passons deux jours à Oban en attendant que le vent, amené par une dépression qui stagne sur l’Irlande, se calme. Oban est une ville animée d’un style qui n’est pas sans rappeler la partie ancienne de Glasgow. Des immeubles austères, des hôtels de style victorien côtoient des maisons blanches ou colorées, ce qui rend l’ensemble un peu plus gai. Nous trouvons tout ce dont nous avons besoin pour nous reciviliser une peu : des rues commerçantes, des restaurants, des pubs, un grand supermarché…Les « Piers » voient un trafic incessant de ferries qui relient les îles avoisinantes, et font des aller-retours toute la journée. Devant ce trafic important de ferries, de pêche et de plaisance, et afin d’améliorer la sécurité, il a été institué un code de navigation particulier pour accéder au port. Les gros navires utilisent le chenal principal et sont bien sûr prioritaires ; les petits navires, comme nous, doivent suivre un bord déterminé du chenal et le croiser si besoin dans un zone précise en prenant garde aux ferries et en restant en veille sur le canal 12 à la VHF.

Nous profitons d’éclaircies pour visiter un peu la ville. La tour Mac Caig’s a été construite par un philanthrope local du même nom, à la fin du 19eme siècle, à la gloire de sa famille et pour donner du travail aux chômeurs lors d’une période de crise. Elle est inspirée du colisée de Rome et n’a jamais été achevée. Elle offre un beau panorama sur la baie et un bel endroit de verdure. Le long de l’esplanade qui longe la plage, on arrive au château de Dunollie en passant devant un rocher, « Dog Stone » appelé ainsi car un valeureux guerrier Celte y attacha son chien. On peut, parait-il, encore entendre l’animal gémir certains soir de tempête. L’endroit est assez sombre et sûrement lugubre dans la pénombre. Le long de la baie les anciennes résidences de vacances des riches marchands sont transformées pour la plupart en hôtels ou « Bed and Breakfast ».

Cette pause nous permet de faire un grand nettoyage du bateau, d’autant plus que la météo y est favorable. En effet nous avons une troisième journée (je dis bien journée, la nuit il pleut !) de beau temps. Ces dix derniers jours de froid et de pluie ne nous permettaient pas d’aérer le bateau suffisamment et l’humidité s’y était installée.

Le 27 juin, la météo s’étant un peu améliorée, nous entreprenons la remontée du Loch Linnhe vers Fort William. Un bon vent nous pousse sur ce très long loch qui se resserre progressivement. A Corran Narrow le passage est très étroit et le courant assez violent, un bac fait la navette entre les deux rives. Nous arrivons en fin d’après-midi devant l’entrée du canal à Corpach. Nous mouillons dans la courbure du loch pour attendre le lendemain matin, le fonctionnement s’arrêtant à 18 heures. Nous sommes au pied du célèbre Ben Nevis qui, ce soir, a abandonné sa couronne de nuage pour que nous puissions l’admirer.

Notre premier jour sur le canal est un jour particulièrement pluvieux et apparemment pas un jour de chance pour nous, car tout se goupille mal. Nous arrivons à l’entrée de la première écluse « Sea Lock » à 8h30, le service commence à 8 heures. La première sassée de bateaux est déjà partie avec tous les bateaux qui attendaient à l’intérieur du premier bassin. Et comme il suit une palanquée d’écluses : une double pour commencer, suivie du « Neptune Stair Case », un escalier de 8 écluses ; ils font un convoi montant et ensuite un convoi descendant avant de reprendre le prochain montant. Et ils n’en font que deux par jours dans chaque sens. Nous attendons donc 4 heures dans le bassin pour passer les deux premières écluses et 2 heures un peu plus loin pour passer les 8 écluses. Au bout de la journée qui finit à 18 heures nous n’avons parcouru que 2 milles et sommes un peu découragés. Nous nous amarrons à Bannavie en haut de l’escalier, un endroit charmant.

Les éclusiers sont extrêmement serviables et efficaces. Si nous pensions que ce serait un peu sport de passer toutes ces écluses tous les deux, sans équipier, nous sommes complétement rassurés. Il y a toujours quelqu’un pour vous prendre vos amarres et s‘assurer que vous êtes correctement placé. Nous étions le seul bateau à passer les 8 écluses de l’après-midi et avions trois éclusiers à notre disposition avec lesquels nous avons eu le temps de discuter pendant les presque deux heures de l’ascension. C’était bien sympathique malgré la pluie battante. Il ne pleut jamais autant nous ont-ils dit… Mon œil !

Quatre milles plus loin il y a un pont tournant « Moy Swing Bridge » qui n’a plus de ponton d’attente, il faut s’assurer avant de quitter notre appontement qu’il sera ouvert à notre arrivée. Nous appelons dès 8 heures l’éclusier qui manœuvre ce pont et les écluses suivantes. Il s’ouvrira à 9h30, nous avons un peu de temps devant nous. La journée se passe bien, les écluses et les ponts s‘enchainent sans trop d’attente. Nous traversons notre premier loch, le « Loch Lochy » qui s’étend sur une petite dizaine de milles entre les montagnes. Puis après une portion de canal avec des écluses doubles et un autre « Swing Bridge », nous arrivons dans le charmant « Loch Oich » aux rives boisées où nous nous arrêtons en début d‘après-midi à un ponton au pied d’un château en ruine. Nous y passons la nuit, nous sommes au sommet de notre ascension, à partir de demain ça va redescendre.

Au réveil nous nous croyons dans un film d’Harry Potter, une brume stagne sur le lac, il n’y a pas une ride sur l’eau, le moment est magique. Nous terminons la traversée du charmant « loch Oich » et reprenons une portion de canal qui nous amène, après avoir encore passé quelques écluses, en haut d’un autre escalier d’écluse descendant celui-là : les écluses de Fort Augustus. Nous les passons vers midi et nous arrêtons au pied, au port de Fort Augustus, à l’entrée du « Loch Ness ». Fort Augustus, contrairement aux autres haltes sur le canal, est très animé. Cette ville est très touristique, la principale attraction étant évidemment, en plus de l’escalier d’écluses, les promenades sur le loch à la recherche de Nessy. Le village est charmant avec ses petites maisons au jolis jardinets fleuris qui bordent l’écluse. Pour ajouter au folklore local, les conducteurs des bus à touristes portent des kilts. Nous profitons de cette pause pour faire quelques courses (il n’y a pas beaucoup d’endroit où se ravitailler sur le canal) et prendre une bière au bord de l’écluse.

Notre dernier jour sur le canal nous amène à Inverness. Nous traversons les 20 milles du Loch Ness partiellement à la voile, poussés par un petit vent. Pas de monstre à l’horizon, quelques remous entretenus pas les bateaux de promenade qui font des ronds dans l’eau. Cette légende est un grand canular, pour lequel on a même réussi à élaborer des théories scientifiques, toutes plus fumeuses les unes que les autres. Le paysage est magnifique, les montagnes qui descendent dans le lac formant des plans successifs avec des enchainements de gris verts différents. Le trajet se poursuit par une portion de canal, se termine par une suite de quatre écluses, et aboutit à Seaport Marina, près d’Inverness, où nous nous amarrons dans l’après-midi. Nous restons au moins deux jours afin de préparer le bateau à la prochaine traversée vers la Norvège ; et aller visiter Inverness, si la pluie nous laisse un peu de répit.

Inverness est un ville écossaise agréable, animée, touristique et peut-être un peu moins triste que les autres. La couleur rosée des matériaux de construction apporte vraisemblablement un peu de gaieté. On en a vite fait le tour, mais les rues piétonnes du centre-ville sont agréables. Une petite galerie marchande assez typique « Victorian Market » en est une des principales attractions avec le château et le musée attenant. Au cœur de la ville sont préservées quelques immeubles anciens dont un joliment restauré : Town House. La rivière Ness enjambée par un joli pont piéton, avec ses bord garnis de verdure, agrémente l’ensemble.

Notre voyage en Ecosse se termine. Nous avons apprécié ces paysages magnifiques et sauvages, cet espace de croisière infini. La navigation y est technique, on ne peut pas partir sans consulter souvent la météo très changeante ; les cartes de courants doivent être soigneusement étudiées, la marée et les détroits rendant certains passages délicats. Nous avions planifié de monter plus au Nord jusqu’à l’île de Skye, mais la météo nous ayant retenus par moment, nous avons abandonné l’idée. Nous ne regrettons pas, nous avons pris notre temps pour apprécier chaque endroit. Les Ecossais sont accueillants, l’ambiance dans les pubs, entre autres, agréable. On n’a malheureusement pas l’occasion de discuter souvent avec ses voisins, car la rigueur du climat fait qu’on a plutôt tendance à rester à l’intérieur. Nous comptons sur les doigts de la main les occasions d’un apéro ou repas dans le cockpit. Revenons au climat, nous nous sommes gelés et nous nous gelons encore ! Pas une journée sans pluie et la température n’excède pas 15 degrés ! On peut avoir chaud si un rayon de soleil se profile, mais dès qu’il se cache et qu’un petit vent frais se lève, il fait carrément froid : c’est le principe de la douche écossaise ! Nous avons encore discuté avec une Ecossaise ce matin à la marina, qui nous a dit que normalement il ne pleut pas autant à cette saison. Peut-être n’avons-nous pas eu de chance ? J’ai quand même quelques doutes !

Et pour terminer avec l’Ecosse je vous livre cette maxime à méditer. Nous partons demain vers la Norvège, un créneau météo se profile pour ces 2 à 3 jours de traversée.