Du Pays de Galles à l’ile de Man

Le 24 mai nous décidons d’avancer un peu notre départ des îles Scilly afin d’arriver avant un passage un peu venté qui s’annonce sur la mer d’Irlande. Nous parcourons rapidement les 120 milles qui nous séparent de Milford Haven. Le vent et la météo sont cléments. Le vent tourne progressivement devenant de plus en plus portant. Le soleil nous accompagne, mais le vent est très froid et il faut rester à l’abri de la capote pour supporter le froid. Dans la soirée nous prenons un ris et envoyons la trinquette car le vent fraîchit ; le bateau avance bien, l’allure est confortable.   Les sous-vêtements techniques bien chauds sont de rigueur pendant les quarts de nuit. Le chauffage fonctionne par intermittence à l’intérieur pour maintenir une certaine douceur.

Vers 4 heures du matin nous arrivons à proximité du chenal de Milford Haven et je tire Philippe de sa couchette. Un appel VHF d’un cargo qui manœuvre pour prendre le chenal ,nous demande d’obliquer vers l’Est pour lui laisser le champ libre. Il faut empanner en catastrophe, manœuvre délicate d’autant plus que le vent annoncé arrive et les rafales atteignent maintenant 30 nœuds. Nous faisons notre entrée vers 5 heures du matin au lever du jour dans la rade de Milford, trempés car il s’est mis à pleuvoir. Nous mouillons l’ancre dans Angle Bay bien à l’abri. Nous nous réchauffons et nous reposons de notre nuit en mer en attendant de rentrer dans le port intérieur qui abrite la marina. Le flot y est maintenu par une écluse qui manœuvre toutes les heures sur demande mais les deux portes sont ouvertes autour de la pleine mer. Nous entrons donc au « Free flow » dans la marina de Milford Haven vers midi le 25 mai.

La rade de Milford Haven voit un trafic incessant principalement de gaziers, pétroliers, et autres méthaniers qui viennent décharger leur cargaison à ce terminal pétrolier. Les pilotes n’arrêtent pas les allées et venues pour guider les navires. Le port intérieur abrite une marina, et des quais pour quelques petits cargos et bateaux de pêche. La ville est plutôt triste, elle a des allures de cité ouvrière typique du Pays de Galles. Nous y passons tout de même une journée pour laisser passer le petit coup de vent et nous reposer de notre traversée. C’est l’occasion de ravitaillement et lessives, la marina étant bien équipé et proche d’un supermarché.  Depuis notre arrivée au Royaume Uni, nous sommes étonnés par les prix faibles de la nourriture. Dans nos souvenirs la vie y était très chère : un effet du Brexit, une augmentation relativement importante du cout de la vie en France depuis le passage à l’Euro ? Les seuls bars accueillants se trouvent sur le port et c’est l’occasion de nos premiers « fish and chips ».

Les trois jours qui suivent nous faisons trois étapes vers le Nord avec un vent dans le nez donc appuyés au moteur, voire complètement au moteur. Nous devons nous lever tôt pour pouvoir bénéficier du courant portant non négligeable dans ce canal Saint Georges. Les passages entre les iles ou les passages de cap sont souvent agités, si ce ne sont pas de vraies bouilloires dignes de nos raz dans la Manche. Nous empruntons Jack Sound puis Ramsey Sound, passages entre la terre et les iles du même nom, pour aller mouiller à Fishguard un abri au Nord de la péninsule Pembrokeshire. Le lendemain, nous traversons Carnigan Bay pour aller mouiller dans la baie d’Aberdaron d’où nous partons au lever du jour pour emprunter Barsdey Sound et arriver le soir à Holy Head marina après avoir lutté deux heures contre le courant pour faire les cinq derniers milles.  La côte est très belle verte, découpée, rocheuse, digne de paysages irlandais.

A Holy Head, au lieu de la marina que nous croyions trouver, il ne reste qu’un malheureux ponton en béton. Le reste a été emporté par la tempête « Emma » en 2019. Nous avons le temps de nous promener un peu dans la ville tout de même un peu plus gaie que Milford. C’est dimanche, les habitants sont de sortie pour une balade au soleil ou des sorties en jet ski, et se retrouvent au pub. Nous les trouvons bien peu couverts, car malgré le soleil le fond de l’air est vraiment frais.

Le 30 mai, le départ pour l’île de Man est agité. Nous devons encore batailler avec ce foutu courant traversier en sortant du port et il nous faudra trois heures à nous faire secouer, pour en sortir, enfin envoyer les voiles et mettre le cap sur Douglas. La fin de traversée se fait dans une atmosphère très froide et humide mais la navigation est agréable. Nous nous amarrons au ponton d’attente car l’ouverture de la porte et du pont qui permettent d‘entrer dans la marina n’est que ce soir. Le capitaine du port, bien sympathique, nous explique que le port est saturé car c’est le Tourist Trophy, mais nous alloue une place dans un coin le long du quai.

Le Tourist Trophy, course de moto open, qui a lieu tous les ans sur l’île de Man amène de nombreux touristes. Des vrombissements de motos s‘entendent quasiment en continu. Il y a des motos et des motards partout. Les rues piétonnes de Douglas sont animées, de nombreux magasin proposent des articles en relation avec la moto. Nous retrouvons avec plaisir, après les rues dessertes des villes du Pays de Galles, une ambiance légère de ville touristique. L’architecture est variée : des maisons en ardoise ou en brique sombre mais typiques, des maisons à colombages ou même du style art déco. Une belle plage bordée d’hôtels a des allures de Riviera à l’anglaise. A l’entrée du port, un petit fort a été érigé sur un plateau rocheux pour le mettre en évidence et rendre hommage aux nombreuses victimes qu’il a fait, de nombreux navires s’y étant fracassés. Saviez vous que les Bee Gee étaient originaires de l’Île de Man ?

Le lendemain nous partons découvrir le Sud de l’île par le petit train touristique à vapeur. De jolie locomotives rutilantes mènent une série de wagons à compartiments capitonnés. Une balade dépaysante jusqu’à Port Erin, un joli mouillage devant une belle plage. On y découvre une mine de cuivre désaffectée, signe d’une activité industrielle ancienne. L’intérieur de l’île est très rural avec des élevages de vaches et de moutons, des paysages de bocage très vert. Au retour le train stoppe soudain et nous voyons le conducteur courir le long du train pour aller éteindre à l’aide sa pelle, un incendie qui a pris sur la voie. Un petit intermède qui nous distraie !

Je vous livre quelques images amusantes récoltées au cours de nos balades : le jubilé de platine de la reine fait naître des décos rigolotes sur les boites à lettres, une évocation de la ville de naissance de Philippe, des messages sur les poubelles, des clins d’œil à nos petites filles, une évocation d’Harry Potter à la « railway station » …

Et nous sommes repartis vers l’Ecosse…