Grenade et les Grenadines

Le 14 janvier nous débarquons à l’aéroport de Saint-Georges à Grenade après un long voyage et une longue attente pour l’immigration un fois arrivés. Nous sautons dans un taxi qui nous conduit au chantier voisin, « Spice Island Marine Service » qui a pris soin de Free Vikings pendant notre absence. Notre cher bateau nous attend sagement sur le terre-plein. Pas de dégât apparent à l’extérieur ni à bord sinon des traces d’humidité. Les bouts restés sur le pont ou dans des endroits un peu confinés sont complètement noirs de moisi. Mais heureusement pas trop d’humidité à l’intérieur si ce ne sont les entourages de hublots moisis.

Nous sommes remis à l’eau le 16 janvier et là, mauvaise surprise le moteur démarre difficilement, la batterie semble bien faible et il ne refroidit plus. Les mécanos du chantier et Philippe se mettent aussitôt au travail ! Il faut changer la pompe à eau, adapter la poulie d’entrainement qui n’est pas fournie avec et pas en stock dans l’île, acheter une nouvelle batterie moteur, l’ancienne (assez âgée) est HS. Nous sommes bloqués une semaine au quai le temps de régler ces problèmes mécaniques et en profitons pour faire un grand nettoyage et remonter les voiles, et tous les équipements que nous avions rangés. C’est un peu compliqué pour moi car, suite à une chute, j’ai dû me faire une entorse au poignet et cela m’handicape pas mal pour frotter entre autres !

Nous gonflons l’annexe et là, miracle ! le moteur hors-bord, qui nous avait bien ennuyé l’an dernier, démarre. Il a perdu des bouchons dans l’échappement, il fait énormément de bruit. Cela ne nous empêche pas de faire un tour au fond de la baie pour nous mettre en règle avec la douane qui nous délivre un nouveau permis de naviguer pour un mois, moyennant quelque EC$ bien sûr !

Le soir, nous allons nous restaurer au One Love un petit restaurant qui accueille tous les navigateurs du chantier qui, comme nous, remettent leur bateau en état pour la saison. La nourriture est correcte, mais le service un peu olé olé. On attend parfois très longtemps, on ne sait pas pourquoi, on n’est jamais servi ensemble, on vous sert les tapas de l’apéritif après les plats, les serveuses n’ont pas toutes la lumière à tous les étages, mais l’ambiance est sympa et ça dépanne. Les prix sont attractifs, surtout que les plats étant très copieux, on emmène souvent les restes qui sont mangés à bord le soir suivant ! Les grenadiens sont très gentils et serviables et l’ambiance sur le chantier extrêmement sympathique.

En dehors des problèmes mécanique, à priori (quelques surprises encore à venir) tout va bien, l’électronique fonctionne. Mais notre grand-voile donne de sérieux signes de faiblesse. Certains lés en hauteur, les plus exposés au soleil, sont complètement cuits et ne demandent qu’à se déchirer. Nous patchons et espérons que ça tiendra pour la saison. La navigation vers Cuba et le Guatemala peut, au pire, se faire sous foc. Nous en avons par contre, besoin pour remonter vers les Antilles françaises, ce sera de la navigation au près. Nous trouverons un voilier au Guatemala pour arranger cela.
C’est bien content de pouvoir enfin naviguer, que nous larguons les amarres le 24 janvier, après que le mécano du chantier nous ait remonté la pompe à eau et le coude d’échappement bouché par la calamine. Nous avons vraiment apprécié les services de ce chantier que nous recommandons absolument. C’est une solution sûre pour laisser son bateau durant la saison cyclonique. Ce sont de vrais professionnels, très à l’écoute et efficaces.
Nous déroulons le génois jusqu’à la pointe Sud-Ouest de Grenade et remontons au moteur jusqu’au mouillage de Martin Bay en face de la marina de Port Saint-Louis à Saint-Georges, où nous prenons une bouée. Nous pouvons nous rendre en annexe dans le fond du port et nous amarrer face à un supermarché afin de faire un avitaillement un peu plus complet que les courses rapides faites depuis le chantier. Et enfin au mouillage face à l’ouest nous avons la chance d’assister à un beau coucher de soleil… Avec rayon vert !!

Le lendemain nous parcourons les 36 milles qui nous séparent de Carriacou sous Solent, avec 25 nœuds de vent, et en nous aidant au moteur car le vent est presque dans le nez. Amarinage un peu violent ! Nous mouillons à Tyrrell Bay, et là nouvelle surprise ! Nous avions oublié de tester le guindeau, et il est complètement grippé. Donc mouillage à la main ! Pour descendre l’ancre ça va encore ! Nous passons la journée du lendemain à résoudre ce nouveau problème. Philippe démonte le moteur du guindeau et à grand renfort de WD 40 le dégrippe. Mais il est bien fatigué (le moteur !), il faut dire qu’il a 25 ans de bons et loyaux services et que cela fait quelque temps qu’il donne des signes de faiblesse, de corrosion surtout. Nous décidons qu’il est urgent de le changer ! Une nouvelle dépense en perspective après les frais de pompe à eau et de batterie. Ah mon cher bateau !

L’île Carriacou et les Grenadines ont pris de plein fouet le cyclone Beryl en juillet dernier. On trouve de nombreuses séquelles un peu partout. La végétation ravagée par endroits, encore beaucoup de maisons sans toit bien que la reconstruction ait bien avancée. Des épaves de bateaux sont échouées sur la plage et même carrément sur le bord de la route, signe de la violence du phénomène. Tous les commerces n’ont pas réouvert comme le restaurant où nous avions mangé avec nos cousins en 2019. Il y a également eu énormément de dégâts sur les bateaux de plaisances qui sont restés là cette saison. Les cyclones sont en principe rares dans le sud des Antilles, mais pas impossibles.

Le 27 janvier nous assistons à un départ de régate où les bateaux (certains très beaux) louvoient au milieu des bateaux mouillés avant de s‘élancer vers le Nord. Nous levons l’ancre (Hourra le guindeau fonctionne !) vers Union, que nous atteignons après deux heures et demie de moteur, vent dans le nez. Nous prenons un mouillage à Clifton aidés par deux boat boys qui nous soutirent un pourboire.

L’île est ravagée, la reconstruction après le cyclone est bien moins avancée qu’à Carriacou. C’est très triste. Nous débarquons pour faire nos formalités d’entrée aux Grenadines. Nous rencontrons l’équipage du voilier « Vertige » croisé au chantier, ils retrouvent leur annexe crevée sur les clous de l’appontement délabré où nous avons débarqué. Nous les ramenons à leur bord. Nous nous rendons compte le lendemain matin qu’ils ont oublié leurs pagaies dans notre annexe et ils sont déjà partis. Après de vains appels à la VHF nous sommes bien embêtés pour eux. Nous espérons les rencontrer de nouveau.

De notre côté pour partons pour le bel archipel des Tobagos Cays à 5 milles d’ici.
Nous sommes bien déçus par les Tobagos version 2025. Déjà en 2019, nous avions eu cette impression, qui là se confirme. Ce site magnifique est envahi de bateaux caisses à savon, ces affreux catamarans des nombreuses sociétés de locations qui sévissent dans les Antilles. Cette invasion affecte énormément l’agrément de ce bel archipel. Des kite-surfers parcourent le mouillage en tous sens, les plages sont bondées. Il faut bien que tout le monde en profite ! Mais ce tourisme à outrance ne finit-il pas par tout détruire ? Nous participons au traditionnel barbecue de langoustes sur la plage, organisé par les locaux qui en font un business. Les prix ont bien augmenté depuis 6 ans, il faut bien reconstruire l’île ! Le très sympathique Cap ’tain Michael nous conduit dans sa barque taxi et a un peu de mal à nous ramener à bord le soir. Il s’est trompé d’île ! Un retour un peu rigolo dans le noir sur un bateau où nous avions oublié de mettre le feu de mouillage. Cela rappellera quelques souvenirs à certains !

Nous ne nous attardons pas dans ce mouillage décevant et de plus remuant, nous n’étions pas à la meilleure place ! Le 29 janvier au matin, nous repartons vers le Nord. Un bon petit vent d’est nous permet de faire enfin de la voile. Nous naviguons au près avec un vent d’une quinzaine de nœuds au début qui force en cours de journée nous obligeant à prendre un ris et à enrouler le foc. Mais ça marche bien et nous prenons plaisir à cette belle navigation. Du coup, nous décidons de sauter l’étape Béquia pour aller découvrir Saint Vincent que nous ne connaissons pas.

Cette île a longtemps eu mauvaise réputation. L’insécurité qui y régnait faisait que les navigateurs ne s’y arrêtaient pas. En 2019, un couple de plaisanciers avaient été assassinés par des évadés de prison, cela n’engageait pas à s’y arrêter ! Ce ne semble plus être le cas. Nous sommes abordés par des boat boys en arrivant vers Wallilabou. Ils nous aident à prendre un mouillage bermudien ; ancre à l’avant et une amarre à terre, la baie est très profonde. Le pourboire nous est réclamé et négocié, ils sont un peu insistants. Ils nous vendent des fruits qui nous coutent cher et deux langoustes à un très bon prix, cela compense. Il faut dire qu’il aurait mieux fallu que nous ayons des EC$ (la monnaie locale) avec nous. Nous avons tout dépensé hier aux Tobagos et nous les payons en dollars américains et le taux de change n’est pas en notre faveur. Ils ont tendance à faire 1 EC$ pour 1 $ alors que c’est 3 EC$ pour 1 $, il faut négocier et je ne suis pas sûre qu’ils sachent tous compter !

Le site est magnifique, le mouillage très calme, un vrai petit coin de paradis. Le site a servi de scène au tournage de Pirate des Caraïbes et un musée y est dédié. C’est l’attraction locale qui est envahie au cœur de la journée par les touristes qui débarquent du bateau de croisière en escale à Kingston la capitale. Une petite promenade à terre, nous permet de découvrir une île encore très pauvre qui nous rappelle un peu Tobago. Un bureau de douane ouvre deux heures l’après midi et nous permet de faire nos formalités de départ de Saint Vincent et les Grenadines.

Le 31 janvier nous partons au lever du soleil pour un longue étape vers le Nord de Sainte Lucie. Nous naviguons toute une journée fatigante, au près, dans une mer hachée dans le canal de Saint Vincent, et un vent avec des rafales à 25 nœuds. Nous devons encore nous appuyer au moteur pour compenser le courant qui nous dévie vers l’Ouest. Nous sommes accompagnés par deux couples de fous de Bassan qui profitent pour pêcher dans notre sillage qui soulève des nuées de poissons volants.

Les passages entre les îles de l’Arc antillais sont appelés canaux et portent le nom de l’ile la plus au Sud Les alizées s’y engouffrent, sont accélérés par l’effet de goulet et l’océan Atlantique y arrive avec toute son énergie. On est heureux d’arriver sous le vent des îles où la mer se clame aussitôt.
Nous remontons jusqu’au Nord de Sainte Lucie et trouvons une place pour deux nuits à Rodney Bay Marina. L’endroit est accueillant, la marina que nous connaissions pour nous y être arrêtés en 2019 est encore plus active qu’alors. Sur le site, les luxueuses propriétés côtoient de modestes villages de pêcheurs.
L’accueil des douanière et officier d’immigrations est un peu sec. On nous balance des adresses internet pour s’enregistrer en ligne sur Sailclear (site douanier pour la plaisance dans les Antilles anglaises) et sur le site de l’immigration de Sainte Lucie ; la déclaration à faire sur un téléphone est plutôt fastidieuse. J’ai du mal à garder mon calme ! J’y laisse mes derniers octets de pass Orange et enfin nous pouvons aller nous distraire. Des bars, restaurants, magasins, une belle piscine nous permettent de passer un séjour tranquille et bien agréable.

J’en profite pour faire un peu de ménage et Philippe s’attèle aux problèmes techniques qui s‘accumulent. Notre moteur qui démarrait au quart de tour, a maintenant bien du mal et apparemment la pompe à gasoil fait des siennes. Encore une pièce à changer. D’autre part quand il est démarré il est impossible de l’arrêter… Un comble ! Cette fois c’est tout le tableau de bord que Philippe doit démonter pour constater que tout est un peu corrodé là-dedans, et il semblerait qu’en plus de divers voyants qui ne fonctionnent pas tous, la pièce incriminée soit le contacteur de démarrage. A suivre !

Nous passons une agréable soirée avec un couple d’Ecossais, Allyson et Jon, arrivés aux Antilles sur un Bavaria 36, « Nova Vita », sur lequel ils vivent. Nos échanges sont bien sympathiques, nous partageons les mêmes valeurs. Nous espérons que nos routes se croiseront encore.

Nous reprenons notre route le 2 février vers Les Antilles françaises…