Les îles du Sud Danemark

Nous quittons Copenhague le 1e août dans une épaisse brume, au moteur car le vent n’est pas au rendez-vous. Le vent finit par se lever vers midi et nous arrivons à la voile devant une falaise crayeuse à la pointe Stevns, derrière laquelle nous entrons dans le petit port de Rødvig. Après avoir un peu galéré pour nous amarrer car une rafale de vent nous écarte du ponton à chaque approche, nous sommes enfin immobilisés en bout de ponton. Les places sont chères, bien qu’il soit encore tôt. La petite ville n’a pas gros intérêt. On y trouve tout de même de quoi se ravitailler, et une petite plage de galets où je tente une baignade glaciale.

Le Danemark est formé d’une péninsule principale le Jutland qui part de l’Allemagne au Sud, et sur sa partie Est, une myriade d’iles compose le reste du pays. Sur une des plus grandes à l’Est du pays, le Sjælland, se trouve la capitale Copenhague (et Rødvig). Ces iles sont souvent reliées par des ponts. Cette partie de mer entre le Sud-Est du Danemark et l’entrée de la Mer Baltique est similaire au Kattegat, pas de marées, des fond limités à une vingtaine de mètres.

En quittant Rødvig nous nous engageons dans les chenaux qui serpentent entre les iles du Sud. Il n’y a pas beaucoup d’eau par endroits. Les bateaux à fort tirant d’eau (plus de 2 m) ne peuvent pas emprunter tous ces chenaux. Nous parcourons une petite vingtaine de milles au moteur puis jetons l’ancre dans la baie de Steve (Steve bugt) au Sud du Sjaelland et passons une fin de journée bien tranquilles à regarder les oiseaux. Des milliers de cygnes, cormorans, canards vivent dans ces eaux.

Nous parcourons encore une douzaine de milles le lendemain, tantôt au moteur, tantôt à la voile en fonction de l’orientation du chenal. Nous passons sous des ponts qui relient Møn, puis Bogø au Sjaelland et arrivons en remontant un chenal peu profond jusqu’au joli port de Vordingborg. C’est une jolie ville balnéaire avec les ruines d’un vieux château, de belles maisons et des places toutes de briques rouges. Nous mangeons des friskedel (spécialité locale qui ressemble au produit d’un nom apparenté que l’on trouve dans la Nord Fricandelles : beignet frit, ici de poisson) au restaurant de poisson local.

Nous reprenons notre route le lendemain avec l’intention de nous trouver un petit mouillage sympathique entre les petites îles situées au Nord de Lolland. Une belle étape par temps chaud (et oui c’est arrivé !) au portant, nous passons encore un pont qui relie Falster au Sjaelland. En cette journée très chaude, l’orage menace et la météo annonce un retournement du vent de 180 °, il va nous être difficile de trouver un mouillage abrité des deux directions. Nous rentrons donc au port de Bandholm. C’est un tout petit port en bout d’un étroit chenal où arrive un ferry qui dessert les petites îles. Un énorme silo en pleine activité nous accueille, c’est la période de moisson ! Le vent sec pré-orageux qui se lève, nous envoie une fine poussière de particules de blé qui salit tout.

Ce n’est pas le seul mauvais souvenir que nous gardons de Bandholm. Pendant notre manœuvre d’amarrage, le moteur se met soudainement à faire un bruit épouvantable. Impossible d’embrayer en marche avant ou arrière sans ce bruit de claquement. Nous parvenons tant bien que mal à nous amarrer et Philippe plonge dans le moteur. Le tourteau de liaison boite/arbre s’est complètement desserré et une vis a cassé. Le mécano du bord remet tout cela en place, remplace la vis, mais ça ne tourne plus rond !

Le vent a tourné à l’Ouest et c’est au moteur que nous devons reprendre notre cheminement dans les chenaux le lendemain matin. Le moteur vibre et au-dessus de 1500 tours ça recommence à claquer. Nous parcourons 8 milles à bas régime, le vent forcit et nous n’avançons plus. Nous décidons rapidement de nous arrêter dans la marina de Kragenaes sur Lolland. Nous restons une journée dans ce joli petit port pour tenter de régler ce problème. Philippe parvient tant bien que mal à réaligner le moteur pour que cela vibre le moins possible et nous décidons qu’il faut sortir le bateau de l’eau pour vérifier : hélice, bague hydrolube, le joint à lèvre et refaire un alignement correct du moteur en espérant que l’arbre d’hélice ne soit pas voilé. Nous sommes encore à 60 milles de Kiel où nous trouverons des ressources. Rendez-vous est pris dans un chantier à Wendtorf, le 12 août pour un grutage. Ici il n’y a rien !

Le port de Kragenaes est très mignon, c’est aussi un terminal de ferry vers les iles, un camping jouxte la marina, qui contient aussi de jolis bungalows flottants. Une petite épicerie permet de se ravitailler. Une œuvre d’art moderne musico-sculpturale attire les touristes. Il s’agit d’un cercle de douze statues de granit, immenses, pas encore toutes sculptées, le Dodekalitten. Au pied de chaque statue sont placés des haut-parleurs et quand on se trouve au centre du cercle, on entend un genre de musique qui ressemble un peu au bruit du vent ou au « OM »  ou bien « AUM »   ॐ  (le Mantra Prāṇa) atonal et primal : cette mélopée chantée par les moines Bouddhistes, mais ici générée par un ordinateur selon l’heure, la marée, l’ensoleillement etc… Après avoir un moment écouté et admiré ce site, nous rentrons non sans avoir fait un petit détour pour admirer et visiter à croupetons deux tumulus datant de l’âge du bronze et attestant d’une longue occupation de ces iles.

 Le 7 août le vent s’est levé, il est orienté Sud-Ouest, ce qui n’est pas très favorable, mais nous décidons d’en profiter pour faire du chemin vers Kiel à la voile. Nous tirons un grand bord vers l’Ouest jusqu’à l’ile Langeland, revenons sur l’autre bord au Sud de Lolland. Nous traversons un bras de mer un peu plus profond où naviguent de nombreux cargo ralliant Kiel à Odense, le second port commercial du Danemark. Nous parcourons assez rapidement les 30 milles qui nous séparent de l’entrée de la rade de Nakskov. Nous mouillons dans un abri naturel : l’anse Albuen très peu profonde.

Comme nous ne pouvons pas naviguer au moteur et que le vent est peu présent et mal orienté nous restons une journée à buller dans l’anse d’Albuen. Là pour le coup, il n’y a vraiment rien. Nous débarquons l’après-midi à l’un des petits pontons délabrés et allons marcher un peu sur cette langue de sable, d‘herbe et de tourbe qui enferme la baie. C’est une réserve de nidification d’oiseaux, nous apercevons quelques hérons. Il y a une ferme avec des vaches qui vont prendre le frais dans l’eau. C’est l’occasion d’une baignade, côté extérieur, car ça ne m’inspirait pas de partager ma piscine avec les vaches, et bien que l’eau soit claire, c’est plein d‘herbe et sombre. L’eau est vraiment très bonne, je n’ai plus d‘excuse pour ne pas aller voir ce qu’il se passe avec l’hélice. De retour au bateau je plonge faire une inspection de l’hélice : rien à signaler apparemment.

Le mardi nous partons en direction de la baie de Kiel. Un très petit vent nous pousse : nous envoyons le gennaker, puis grand-voile et gennaker, car le vent tourne au travers. Nous finissons notre traversée au moteur, en veillant à trouver un régime qui ne vibre pas, car le vent nous abandonne. Il y a du monde dans le coin : de jolis vieux gréements, des cargos qui sortent de Kiel et vont vers Copenhague ou Odense ou inversement, des navires de croisières, des navires de la marine nationale allemande…


 Nous sommes gentiment accueillis par le personnel de la marina de Wendtorf qui nous avait aiguillé vers le chantier et réservé une place. Nous y restons le mercredi à courir après le responsable de grue qui n’a manifestement pas envie de s’occuper de nous, bien qu’il nous ait au départ promis un grutage vendredi. Et nous voila repartis avec notre téléphone à appeler tous les chantiers de la rade de Kiel (et il y en a !). Nous atterrissons finalement au port voisin de Laboé où le gars du chantier, Dirk, se démène pour nous trouver une solution. Bien que ce ne soit l’usage, il accepte, pour nous dépanner, que nous fassions nous même les réparations car il manque de personnel disponible. Nous sommes finalement grutés le vendredi et malheureusement les premiers démontages montrent que l‘arbre d’hélice est tordu. Nous n’en savons pas plus à l’heure actuelle : le vendredi tout s’arrête à midi en Allemagne. Et nous ne connaitrons le délai d’approvisionnement de la pièce que la semaine prochaine. Nous émigrons dans un hôtel à Kiel car nous ne pouvons pas rester à bord. Quelle poisse !