Portugal Sud – Traversée pour Madère

Nous quittons enfin Porto Atlantico, le 22 octobre, et continuons notre voyage vers le Sud. Nous visons d’atteindre directement Peniche 120 milles plus loin. Les ports alternatifs sont situés dans des estuaires de rivières avec des entrées sujettes au déferlement, ce qui les rend impraticables par mauvais temps. Les tempêtes que nous venons de subir ont généré une houle significative et bien que les ports aient rouverts nous décidons de profiter de ce vent du Nord pour avancer un peu plus vers le Sud. La journée de navigation se déroule tranquillement ; nous devons quelques fois nous appuyer du moteur car le vent n’est pas stable et la mer résiduelle a tendance à nous ballotter dans tous le sens. La nuit, les conditions sont bien moins clémentes ! Nous subissons deux orages magistraux avec des pluies torrentielles pendant pas loin d’une heure chaque fois. Heureusement le vent ne se lève pas suffisamment pour nous inquiéter. Nous devons nous appuyer au moteur pour que le bateau reste manœuvrant car le vent tourne dans tous les sens. Nous arrivons enfin à Peniche peu avant midi avec une belle éclaircie. Nous laissons les îles Berlengas sur tribord, contournons la pointe rocheuse et nous entrons dans ce très grand port de pêche qui abrite une petite marina, très appréciée des navigateurs. Nous prenons la dernière place libre le long du ponton visiteurs, où nous sommes accueillis par des Français en escale.

La ville de Peniche commence à avoir des allures de Sud et nous rappelle plus que les précédentes nos souvenirs du Portugal. La ville est construite sur une péninsule rocheuse, elle est entourée de fortifications aux inspirations mauresques ce qui lui donne un air exotique. Les petites rues pavées comme partout ici, relient des artères plus importantes, elles sont très commerçantes et animées. Nous nous promenons dans les rues, nous arrêtons dans de nombreux cafés pour boire un petit expresso le matin, comme cela semble être la coutume, ou une bière dans la soirée, nous contournons les fortifications pour aller admirer le coucher de soleil les soirs où il ne pleut pas.

Nous apprécions notre escale de trois jours dans cette jolie ville. Nous testons les restaurants locaux. Nous faisons la connaissance de nos voisins français. Carole et Anthony viennent d’Arzal aussi, avec un beau bateau à moteur de 42 pieds. Ayant tout largué à Nantes, ils descendent vers le Sud en s’arrêtant dans tous les ports, et bien qu’ayant déjà bien bourlingué, ils se sentent un peu brimés d’être limités par l’autonomie de leur bateau. Et oui ! A la voile on n’a pas ce souci, le vent devant être notre principale source d’énergie. C’est un principe, nous n’avons pas montré l’exemple ces derniers temps ! Nous passons une bien sympathique soirée en leur compagnie !

Toute la côte entre Porto et Lisbonne est un site très connu de surf. Nazaré se trouve à quelques dizaines de kilomètres au Nord de Peniche. La démocratisation de ce sport dans les années 2000, a entraîné un développement très important de ces contrées. Les grandes plages de sable blanc directement balayées par la houle de l’océan sont des sites idéaux. A Nazaré un phénomène géologique (une faille dans les abysses, proche de la côte) génère une extrême amplification de la houle créant ces vagues monstrueuses à ne pas surfer par des débutants !

Durant notre escale nous subissons encore deux coups de vent avec de fortes pluies. Le 27 octobre le vent est toujours soutenu mais vire un peu plus à l’Ouest ce qui augure une belle journée de navigation à la voile vers le Sud. Nous nous lançons donc pour une journée de navigation bien musclée. Nous marchons au près bon plein, donc gités, et nous essuyons deux beaux grains. La mer est très remuante avec une énorme houle de Nord-Ouest croisée avec la mer du vent de 15 à 25 nœuds et surement avec un autre train de vagues résiduel de je ne sais pas où. Par moment ça vient de partout. Heureusement notre bateau se comporte très bien, cela ne nous fait pas de souci particulier si ce n’est pour notre confort. Nous arrivons vers 17 heures à Cascais une jolie baie à l’entrée Nord du Tage. L’entrée dans la baie est spectaculaire, les plus grosses vagues de la houle déferlent le long de la jetée du port et viennent ensuite mourir sur la plage. Nous sommes vidés. La marina est ultra-moderne fréquentée par la jet-set portugaise et le tarif va avec. En une escale nous dépensons toutes les économies que nous avions faites, soit en utilisant le Passeport Escale (accord entre ports qui permet, si vous êtes sous contrat dans un des ports, de ne pas payer votre escale), soit en fréquentant les marinas bon marché espagnoles et portugaises.

Cascais est une belle station balnéaire très huppée. En témoignent les riches villas au style hispanique qui longent la plage. Les rues piétonnes sont très commerçantes avec les boutiques typiques de ce genre de station. En cette période de vacances scolaires, elle est très fréquentée et on entend parler français à tous les coins de rues.

Nous profitons de cette escale de deux jours pour aller passer une journée à Lisbonne. En quarante minutes de train depuis Cascais on peut débarquer en plein centre-ville. C’est encore par une journée bien pluvieuse que nous déambulons dans la ville. Nous choisissons un trajet qui nous permet de découvrir la grande Praça do Comércio, de monter dans la vieille ville en passant devant la Cathédrale, de nous promener dans les rues étroites à l’intérieur de l’enceinte du Chateau St Georges. Nous faisons encore une fois, vaincus par l’attente sous la pluie, l’impasse de la visite du château. Nous redescendons vers les rues commerçantes, la Praça da Figueira , passons devant l’ascenseur de Santa Justa construit par Gustave Eiffel. Nous nous arrêtons fréquemment dans des restaurants ou cafés pour nous égoutter un peu et en milieu d’après-midi décidons de reprendre notre train de retour. Le dimanche 29 octobre nous passons une journée à nous préparer pour la traversée vers Madère que nous décidons d’entreprendre dès lundi : courses et repos.

Avant de quitter le Portugal continental, un peu mot sur la gastronomie portugaise. Il faut être amateur de poissons, les valeurs sûres étant la morue et la sardine. Il ne faut plus me parler de sardines depuis l’escale de Porto Atlantico ! Quant à la morue ce n’est pas mauvais, mais ça n’a pas vraiment de goût. Je regrette néanmoins de ne pas avoir gouté au « Pastel de Bacalhau » (genre de friand à la morue et au fromage). Les poulpes bien cuisinés, grillés ou autres sont délicieux. Il y a aussi de bonnes pâtisseries avec une mention particulière pour le « Pastel de Nata » : petite tartelette de pâte feuilletée remplie de crème pâtissière, nous en faisons une grande consommation (notre addiction datant de notre escale aux Açores, il y a 4 ans) !

Un créneau météo semble se profiler à partir de lundi. Nous devrions partir avec un vent d’ouest venant d’un des nombreux fronts froids qui se succèdent sur la côte portugaise généré par les dépressions qui passent au Nord. Ensuite nous devrions trouver plus au Sud un zone anticyclonique où nous ferons peut-être un peu de moteur puis le vent s‘orientera Ouest à nouveau puis Nord-Ouest ce qui nous plait bien. Un ouragan est annoncé en Bretagne, la tempête Ciaran, qui va générer ce vent d’ouest, mais assez modéré sous notre latitude, d’après les prévisions.

Le lundi matin 31 octobre, nous montons donc les voiles, prêts pour une traversée de 4 jours. Nouvelle panne : le pilote automatique électrique refuse de fonctionner. Le capteur d’angle de barre donnait depuis quelque temps des signes de faiblesse et là il envoie des informations si erronées au calculateur que le pilote fait n’importe quoi. Il va falloir barrer ! Les premières 24 heures nous nous relayons à la barre toutes les deux heures le jour, toutes les trois heures la nuit. C’est fatigant d’autant plus que la journée le vent est bien soutenu et nous le prenons en pleine figure au près. Nous avons bien une accalmie et faisons du moteur pendant la première nuit. Au matin un petit vent se lève et nous en profitons avant qu’il ne monte trop pour installer le régulateur d’allure en nous mettant à la cape. Cela nous vaut un bon bain de pied à bricoler dans la jupe avec le clapot qui claque sur l’arrière du bateau. C’est bien fait pour nous, nous n’avions qu’à l’installer avant de partir !!! Une fois l’opération réalisée, tout va bien Vany veille. Vany est le petit nom de cet équipier extraordinaire qu’est le régulateur d’allure : il se tait, il obéit, il ne consomme rien et fait très bien son boulot d’autant plus que nous naviguons au près. Les journées et les nuits se succèdent au près ; soit sous Grand-voile complète et génois un peu enroulé, soit sous Solent avec un ris dans la Grand-voile. Free Vikings avance bravement barré par Vany, se fichant complétement que nous ayons du mal à supporter le tangage perpétuel, les grandes ruades que lui font faire les grosses vagues de cette mer complétement désordonnée. Nous sommes un peu découragés car nous pensions avoir des conditions un peu plus calmes (10-15 nœuds de vent annoncés) et nous avons des longues périodes de vent frais de 20 à 25 nœuds, rafales à 30. Mais le temps s’améliore les grains se font plus rares et sont moins violents et la température monte enfin. Je me force un peu pour cuisiner, ce qui me vaut quelques beaux bleus, mais ça maintient le moral de l’équipage !

Finalement le jeudi dans l’après-midi, le vent tourne au Nord-Ouest, puis au Nord, nous pouvons abattre un peu et trouver une allure plus confortable. Le bateau ne tape plus dans les vagues, il file bien droit, il est juste roulé par l’énorme houle générée par la tempête au Nord. Nous arrivons vendredi 4 novembre en fin d’après-midi à Porto Santo, première des îles de l’Archipel de Madère, où nous trouvons une bouée pour nous amarrer dans le port.

Cette traversée fut un peu éprouvante pour l’équipage : nous les préférons plus calmes et plus chaudes, le près n’est vraiment pas une allure agréable ; mais nous avons quand même eu du plaisir à retrouver la haute mer, ce sentiment de liberté, d’infini et ces merveilleux paysages ! 

Nous avons encore des problèmes techniques à régler, mais nous avons enfin trouvé le soleil, la chaleur et des conditions météos plus stables…