
Le lundi 3 juillet il nous semble qu’un créneau météo se profile pour une traversée vers la Norvège, mais il faut arriver avant le mercredi soir car un renforcement du vent avec des rafales à 35-40 nœuds est prévu sur la côte norvégienne. Nous avons 330 milles à parcourir, ça devrait se faire, surtout qu’il est prévu un bon vent portant !
Nous passons donc les deux écluses qui permettent de quitter Inverness dès que possible, soit vers 11 heures, marée oblige. Et sous encore de belles averses et un vent soutenu, nous mettons les voiles. Le premier ris est pris dès le début, et bientôt le second car des rafales à 30-35 nœuds nous déboulent dessus depuis les reliefs. La sortie du long loch d’Inverness se fait à toute allure malgré le courant contraire, heureusement il n’y a pas de mer. Le vent se calme un peu en s’éloignant des reliefs et nous relâchons le second ris, par contre nous ne gardons qu’un mouchoir de poche de génois le vent soufflant encore bien fort en rafales. La pluie se calme, et la première nuit est bien ventée, la mer agitée mais sans gros creux comme on en trouve au milieu de l’Atlantique. Le mardi le soleil est avec nous, heureusement car le moral n’est pas au beau fixe étant donné que je souffre d’une infection urinaire. Mais Philippe tient le coup, et à renfort de médicaments je reprends un peu de service en début d’après-midi. Nous traversons ce jour-là, les grands champs de prospection gazière et pétrolifère écossais. Nous devons parfois dévier notre route pour éviter suffisamment les plateformes ou navires pompe. La seconde nuit est plus calme, mais nous continuons à avancer à une bonne moyenne avec ce vent portant, nous devrions arriver avant la dégradation du temps. En fait de dégradation, le mercredi le temps se couvre et vers 11 heures il se met à pleuvoir fort, le vent se renforce un peu, nous essuyons des rafales à 30 nœuds et nous envoyons la trinquette préparée au cas où. Nous arrivons finalement vers 16 heures à Tananger, fatigués et assez mouillés, en sinuant de bouée en île jusqu’à l’entrée du port. La visibilité s’est tellement dégradée avec la pluie que nous n’avons rien vu du paysage. C’est là qu’on bénit les conditions de navigation actuelles avec le GPS et les logiciels de navigation ! C’eut été bien plus difficile et dangereux à l’époque où nous ne naviguions qu’à l’estime.




Nous nous amarrons au « Gjest Brygge », le ponton visiteurs en bois, aménagé sur la digue. Un voilier norvégien vient d‘arriver et son équipage vient nous aider à nous amarrer malgré la pluie. Bien sympathique ! Cette entraide d’usage entre navigateurs est très suivie dans les pays anglo-saxons et nordiques. Il n’y a aucun accueil dans la marina, des appontements sont prévus, mais on se débrouille tout seul. Les petits blocs sanitaires simples mais propres sont ouverts et on paye son dû (au reste très raisonnable) en se connectant à une application qu’il faut déjà parvenir à télécharger ! Grr ! Les joies de l’informatique ! Après quelques péripéties nous y parvenons, et dans l’allégresse de la réussite nous payons notre amarrage à une autre marina de Tananger que celle où nous sommes amarrés ! Tant pis on verra cela demain !
Le lendemain nous arrêtons la voiture des autorités portuaires qui patrouille. Le maitre du port nous accueille très gentiment, il ne semble pas perturbé par notre erreur et nous donne son aval. Il ne semble pas non plus qu’il soit nécessaire de faire une clearance d’entrée pour un bateau français étant donné que la Norvège fait partie de l’espace économique européen et de l’espace Schengen. Ceci bien sûr si on n’a rien à déclarer et si on fait un court séjour. Les restrictions d’importation d’alcool et tabac sont drastiques…
Nous restons trois jours à Tananger, le temps de récupérer et d’éviter des passages de vent assez fort. C’est une petite ville coquette, résidentielle qui vit de la pêche et grâce au terminal gazier qui se cache dans la baie voisine. Il n’y a pas une vie trépidante, mais on y trouve de quoi se ravitailler, et on peut acheter des crabes directement aux pêcheurs.





Sur les conseils du « Harbour Master », nous décidons de prendre le bus pour aller visiter la ville voisine de Stavanger. Stavanger est une ville assez importante avec un port de commerce. Elle abrite plusieurs musées, une vieille ville avec ses maisons en bois blanc aux toits rouges ou bruns et leurs jolis jardinets ou portes décorés et fleuris. Au centre-ville une belle pièce d’eau est entourée d’un côté des buildings de la ville moderne et de l’autre de belles maisons traditionnelles. C’est aussi une ville étape des navires de croisière et on y retrouve le même type de population et de commodités (galeries marchandes entre autres) que dans tous les ports étapes que ce soit au Nord ou sous les tropiques.









Le 10 juillet, nous profitons d’une accalmie de vent pour reprendre notre voyage vers le Sud cette fois. Une étape de 45 milles, poussés par un vent du Nord glacial et encore soutenu, nous amène à Egersund. Nous longeons une côte agricole au début, puis rocheuse et sauvage ensuite. Nous entrons dans un passage étroit entre l’île de Varde et la côte pour rejoindre, en contournant l’île par le Nord, le port de pêche. Nous passons devant de jolis mouillages bordés de petites maisons de pêcheurs rouges au milieu de la verdure. Nous arrivons en fin d‘après-midi au « Gjest Havne » (port pour visiteurs).
Dans tous les ports, des pontons ou quais sont aménagés pour la saison d’été pour accueillir les bateaux de passages qui sont nombreux (norvégiens, suédois, allemands, finlandais, néerlandais où lithuaniens parfois) à naviguer dans ces eaux. Le paiement se fait soit dans une « Courtesy box », soit par internet, soit sur un automate, mais rarement auprès d’un « harbour master ». Du personnel est quelques fois présent, mais pas tout au long de la journée. Des sanitaires impeccables sont toujours disponibles avec douches et machine à laver. Comme on est en pleine saison une arrivée de bonne heure est préférable pour trouver une bonne place et ne pas se retrouver à couple.
Nous cherchons vainement une place en tournant en rond, quand un monsieur nous fait des signes et nous montre la place libre au côté de lui ! C’est un Allemand en vacances qui parle très bien français de surcroîts, et semble s’ennuyer ferme car il discute un bon moment avec nous puis entreprend de placer tous les nouveaux bateaux qui arrivent, amusant et bien utile !








Les périodes de vent fort et calme relatif se succédant sur cette côte Ouest, nous repartons dès le lendemain matin pour une petite étape de 25 milles, jusqu’à un joli village que nous avons repéré sur le guide. La côte est très sauvage et nous arrivons au Nord de l’Ile de Hilde et repérons l’entrée d’un petit fjord entre les rochers, qui mène à Kirkehamn. Un petit port de pêche adorable aménagé sur deux bras de fjord autour d’une jolie église. Le « Gjest Havne » est en fait un petit ponton un peu délabré complètement occupés par des petits bateaux à moteur dont les occupants sont venus boire une bière au bar devant lequel il est implanté. Nous tournons un moment, mais pas un ne bouge un peu son bateau pour nous faire une petite place : pas accueillants ceux-là !



Du coup, dégoutés, nous reprenons notre route et rejoignons en fin d‘après-midi : Farsund plus au Sud. Nous longeons la côte de Lista réputée la plus dangereuse de Norvège. La rencontre des courants de l’Atlantique Nord avec le courant côtier de la Norvège, par vent fort, peut y lever de grosses mers. Il y a bien quelques remous mais malgré les 25 nœuds de vent qui nous poussent, rien de bien méchant. Pour arriver à Farsund il faut slalomer entre des îles rocheuses de toutes tailles qui plongent à pic ; les roches affleurantes sont marquées par des perches et des chenaux sont balisés. On aperçoit par moment un ou deux bateaux cachés entre deux ilots, amarré directement au rocher dans un petit creux. Nous trouvons une place au bout du quai en bois, dans un endroit peu profond mais en relevant la dérive, ça passe. Nous avons tout juste le temps de trouver un petit supermarché pour faire quelques courses et un peu de monnaie car le paiement se fait dans une boite où il faut mettre le montant exact pour la nuit. Farsund est un jolie station balnéaire nichée dernière une multitude d’îles. De jolis bateaux y sont amarrés, notamment un ancien bateau de guerre du siècle dernier restauré.







Le 12 juillet, c’est au moteur que nous faisons notre troisième étape vers le Sud sous un ciel maussade. Nous passons Listesnes, l’extrême pointe Sud de la Norvège, réputée également assez dangereuse, par calme plat au moteur. Nous nous engageons aussitôt dans les chenaux intérieurs pour passer entre les îles qui foisonnent sur cette côte, et rejoindre Mandal. Le spectacle est magnifique ! C’est un mélange du Maine, du Morbihan pour le nombre d’îles, de Bréhat pour les cheneaux tortueux et la couleur des rochers, avec une note nordique donnée par les petites maisons de couleur, cachées dans la verdure. Mandal est une jolie petite ville très animée, à l’embouchure d’une rivière à saumon. Nous arrivons vers midi et trouvons facilement une place sur les pontons. Le Sud de la Norvège bénéficiant d’un meilleur climat est très prisé pour les vacances. Nous restons deux jours à Mandal pour laisser passer encore un passage de vent fort avec des rafales à 35 nœuds. Une plage se trouve juste à l’embouchure de la rivière et j’y retrouve avec joie le plaisir de la baignade. L’eau n’est guère plus froide qu’en Bretagne, je dirais environ 18 degrés. Cela m’a paru chaud après les 15 degrés des Scilly ou de l’Ecosse ! La ville s’étale le long de la rivière, après avoir traversé la rue qui la longe, on tombe sur une rue piétonne bordée de magasins artisanaux. Un grand parc planté d’une forêt de pins sépare la ville de la plage et permet de belles promenades.










Le 15 juillet au petit matin, nous reprenons le chemin du Sud-Est vers Kristiansand. Un bon vent nous pousse encore. Nous arrivons vers midi dans la ville et trouvons une place au ponton visiteur mis en place pour la saison d’été. Kristiansand est la troisième ville de Norvège. Un centre-ville piéton s’étend entre la cathédrale et une belle place avec des fontaines et de la verdure. La ville est très animée en cette mi-juillet.





Le temps s’est mis à l’été, il fait plus de 20 degrés au soleil. Enfin ! Nous faisons une pause de quelques jours pour aller visiter Oslo et accueillir nos amis Silvia et Jean-Marc.



